Notre question nous semblait pourtant précise, explicite et bienveillante.
Elle demandait une information factuelle, ou était destinée à s’enquérir des émotions de l’autre, de ses besoins, de la manière dont on pourrait l’aider…
La réponse, articulée ou balbutiée, tombe pourtant comme un couperet : » Je sais pas… »
Il semblerait que ce triste « Je sais pas » puisse s’analyser de trois façons différentes.
JE SAIS PAS, peut vouloir dire » Je n’ai pas l’information », quand il s’agit d’un élément extérieur, objectif. » A quelle heure arrive son train ? » » Y a -t-il des allergènes dans ce plat ? » » Où se trouve le dossier sur la transition énergétique ? »
JE SAIS PAS peut aussi être une réponse « passive » au sens de l’analyse transactionnelle. Ainsi la personne ne prend pas la responsabilité de répondre directement : « je n’ai pas envie de te répondre », « » tu m’énerves », » ce n’est pas le moment », » ça ne te regarde pas », « ta question est sans intérêt »…
JE NE SAIS PAS peut aussi répondre à des questions aussi précises que » Qu’est-ce que tu ressens ? » » De quoi as-tu besoin pour te sentir mieux », « Comment puis-je t’aider ? » Les gens qui, dans leur propre cadre de référence, n’ont aucun problème pour dépister ce dont eux-mêmes ont besoin, ce qu’ils ressentent, ou comment on peut les aider… n’imaginent absolument pas que des stimuli intérieurs, pré supposés comme évidents, peuvent être méconnus à ce point. Or, il est clair que certains ne savent réellement pas :
– s’ils ressentent une émotion,
– a fortiori quelle émotion ils ressentent : sont-ils tristes ? en colère ? ont-ils peur ?
-quel besoin archaïque est frustré,
– comment l’autre peut les aider, les soutenir, les soulager ….
Aussi incroyable que celui puisse paraître à certains, nombreux sont ceux dont la personnalité est si troublée qu’ils ont du mal à dire « Je ». Les phrases comme » Je ressens » ou » J’ai besoin » commencent par « Je » et sont donc inopérantes.
Il est donc opportun de ne pas prendre ces « Je sais pas » pour des réponses passives, et encore moins agressives.
Il vaut mieux rester bienveillant, et proposer un comportement transmettant une acceptation inconditionnelle : une main sur l’épaule, un regard chaleureux et compréhensif…
Eventuellement, prendre l’initiative de proposer :
» Moi à ta place, je crois que je serais…. triste… ou en colère »
» Et si je faisais ça pour toi, est-ce que ce serait bien ou pas ? »
Quitte à entendre la personne se déterminer secondairement face à notre proposition : » oh oui, je ne pensais pas que ce serait possible » ou à l’inverse » Surtout pas ! je préférerais au contraire que …. »
Qui sont ces gens qui, en se retournant vers eux -mêmes, ne rencontrent qu’un vide angoissant ?
Ce peut être chacun de nous, à un moment ou un autre de notre vie.
Ce peut être certains adolescents, coincés entre tant d’impératifs intérieurs, tant d’insécurité, tant de pulsions à réprimer….
Ce peut être certaines femmes aussi, car les petites filles qu’elles ont été furent conditionnées à être « gentilles », à ne rien ressentir, et à ne rien demander pour ne pas déranger.
Alors, sachons faire la différence entre ces trois » Je sais pas ».
Ceux qu’on entend… et ceux qu’on dit !
Christophe Marx
Mai 2019
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