Dans quel monde on vit ?

Le cerveau traduit pour nous les stimuli qui nous arrivent.

Comme pour l’ordinateur, nous n’avons conscience  que d’une faible partie de l’activité de notre cerveau.

Par exemple : le cerveau efface la perception des éléments immobiles et stables  dès lors qu’un autre élément mobile et évolutif existe à côté.

Illusion visuelle classique : on regarde une roue bariolée  qui tourne entourée de  quatre points jaunes immobiles : ces points jaunes vont peu à peu disparaître à nos yeux.   Trop stables, trop immobiles, trop éternels.

Notre cerveau gomme l’éternel. Toujours pareil, l’éternité. On doit s’y ennuyer.

De même, la sensation de nos vêtements sur notre peau disparaît  en quelques secondes.

Application possible  à la conjugalité et à sa routine ?  L’autre trop identique à lui-même disparaîtrait automatiquement de l’écran ?

De même, nul  ne va  laisser  affleurer  à sa conscience les éléments qui le mettent trop en décalage avec son environnement. *

Si vous dites à votre boulanger : « Bonjour, je voudrais 2 baguettes bien cuites et le numéro de téléphone de votre maîtresse »  il y a toutes les chances qu’il vous tende le pain, comme s’il n’avait pas entendu la deuxième partie de la phrase. Et sans doute, il n’a  effectivement pas « entendu ».  Son cerveau a  décidé, de lui-même – de lui-même !!??- de gommer une « information non pertinente ».

Ce que l’on appelle la réalité, ne serait donc qu’une infime partie des stimulations venant de l’extérieur, filtrée, sélectionnée, épurée, corrigée, stabilisée, tamisée, édulcorée,  bref traduite en termes acceptables pour nos limites personnelles.  Une situation est-elle intolérable ? On peut s’en dissocier, et continuer à vivre avec une autre partie de notre personnalité. Comme les dauphins qui paraît-il ne dorment que d’un œil, pardon d’un demi-cerveau, en alternance droite et gauche…

De même que  le cerveau du rêveur   créerait les images du rêve, le cerveau de la personne éveillée créerait le monde autour de lui. Paul Watzlawick défendait déjà cette hypothèse en 1984 dans son ouvrage intitulé : « La réalité de la réalité », un des textes fondateurs de ce qu’on appelle le constructivisme : chacun construit son monde…

Une autre expérience troublante met en jeu l’imagerie cérébrale. On demande à une personne de décider s’il va appuyer sur le bouton bleu à droite, ou vert à gauche.

Il sait qu’il est libre de décider quand il appuie et sur quel bouton.

On lui demande de ne pas laisser de délai entre le moment où sa décision est prise et son passage à l’action.

On imagine la séquence telle que l’on nous l’a apprise à l’école : le cerveau décide, puis envoie l’ordre aux muscles d’agir en conséquence.

Petit problème : on voit que le cerveau s’active bien avant que le sujet ait conscience d’avoir décidé quoi que ce soit. Un délai qui se situe entre 35 millisecondes et 7 secondes !

Mais quelle est donc l’instance qui « décide » avant moi ?

Ne serait-ce donc qu’une illusion  que d’être  maître de sa propre vie ?

Dites-moi que non, s’il vous plait !

Il faudra bien que, tôt ou tard, on lance sur le sujet une brochette de neurologues, chercheurs, anthropologues, philosophes, théologiens , psychothérapeutes et éthiciens.

Afin de ne pas se laisser prendre de vitesse par ceux vont s’engouffrer dans la brêche sans morale ni scrupule. Gourous, intégristes, manipulateurs… suivez mon regard.

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*Cf. l’excellente émission sur la plateforme ARTE Futur intitulée «  Les pouvoirs du cerveau ».

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Christophe Marx

Mai 2016

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