Dialogue de sourd et idéologie par le Dr Christophe Marx

Il est des positionnements qu’on  appelle “idéologique”.
Malgré une consonance flatteuse, n’y cherchez pas d’idée, et encore moins de logique.
Il s’agit uniquement de se confirmer à soi-même la “preuve objective” que l’on a raison, y compris dans la confrontation –vaine, avec un autre point de vue.
Quand deux camps s’opposent à partir de positions idéologiques, on peut dire adieu à un réel débat d’idée.
Le plus  dramatique est que cela est aussi vrai lorsque seul l’un des deux débattant a cette attitude, même si l’autre est de bonne foi !

Un exemple : du temps de l’union soviétique, le responsable d’une province avait entendu dire que la culture des oranges était une bonne affaire.
Il commanda donc à l’ingénieur agronome de planter des oranges.
Ce dernier rétorqua que ni le sol ni le climat ne se prêtaient à cette culture.
On l’y obligea.
La récolte fut évidemment désastreuse.
On se souvint alors des réserves qu’il avait émises.
On l’accusa d’avoir  saboté la plantation, pour justifier a posteriori qu’il avait raison.
Il fut envoyé en prison.

Autre exemple, plus proche de nous :

La semaine dernière, j’entrai au café prendre une bière.
Deux de mes amis étaient déjà en grande discussion. Je m’assis silencieusement près d’eux, conscient que je prenais le train en route.

  • “Tu ne comprends rien ! “disait l’un, “ce serait une catastrophe !”
  • “Pas du tout !” rétorqua l’autre tout aussi animé, “cela est une véritable avancée pour l’humanité !”

Le dialogue continuait, tout aussi véhément.

  • “C’est une question de respect, et les générations futures nous jugeront !”
  • “Allons donc, on a toujours fait comme cela, pourquoi changer ?”
  • “ Ah bon, tu crois que c’est un argument ? Il faut savoir innover, risquer, rompre avec les habitudes !”
  • “Mais ce n’est pas un petit problème, c’est toute la fondation de notre civilisation qui est en question…”
  • “ Parlons en de civilisation ! Ton attitude est intrinsèquement violente, tu sais “
  • “ En tout cas, si je parle de moi,  ça ne me convient absolument pas, et je ne vois pas comment ça peut convenir à quiconque!”
  • “ Nous y voilà : l’intérêt général  doit passer au dessus des positions  égoïstes et partisanes”


Une heure après, le débat continuait dans la même eau.
Ils  en étaient au même point.
Je me rendis compte que j’étais perdu, et que je ne connaissais  pas en fait le sujet de leur désaccord.
Je me hasardais, un peu honteux mais quand même disculpé par le fait que je n’avais pas assisté au démarrage de leur virulente dispute.
– “ Et au fait,  de quoi parlez vous depuis plus d’une heure ?”
L’un me répondit vivement :
– “ De l’interdiction de la corrida !”
Et l’autre d’ouvrir de grands yeux…
– “ Mais non ! On parlait du projet de mariage pour tous!”
C’est là que m’apparut le titre de ce billet.

Christophe  Marx
Janvier 2013

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