La psychothérapie n’est pas un art mineur

Un homme a précipité l’avion qu’il pilotait contre une montagne.

Il  a entraîné dans sa mort 149 autres personnes.

On a dit qu’il s’était suicidé.  De quel genre de suicide s’agit-il ?

On a dit qu’il était dépressif.  Oui il y a 6 ans, mais on prétend qu’il a vu des psychiatres et qu’il avait eu le temps de guérir de cette dépression.

On a dit que, ayant prémédité son geste – on en est sûr, son ordinateur personnel a montré ses recherches—ce meurtrier est en fait un assassin.

Alors, souffrait-il tellement que la vie des autres humaines ne pouvaient motiver sa compassion ?

Avait il une « agénésie du sens moral » ?

Etait-il ivre de colère et de vengeance contre le genre humain ?

Le mystère est total, et la passion exclue : les mouchards l’ont entendu respirer jusqu’ au dernier moment : il était calme.

Récapitulons : ce n’est pas un terroriste.

Il aurait « fait » il y a six ans une dépression sévère, mais si cela devait suffire à écarter du travail, il n’y aurait plus grand monde au boulot.

Assassin sans mobile, psychopathe crypté, pseudo autiste désespéré coupé des autres… ?

On peut concéder que ce type ne peut être que fou.

Mais la psychopathologie classique reste muette sur le diagnostic.

On doit bien se résoudre à ce que la question du « pourquoi ? » n’ouvre que sur une impasse jonchée d’hypothèses invérifiables.

Il n’y aura pas d’autopsie, pas de procès… rien sur quoi amorcer un deuil.

L’absurde en majesté.

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Une fois passés les commentaires qui ne commentent que du vent,  c’est l’aporie…

La parole s’éteint.

Le registre mental se ferme, mais reste un mauvais goût dans la bouche.

Une vague nausée : c’est le corps qui prend le relais de la pensée.

Et vient du fond de l’âme un « Plus jamais ça… ! »

Le chemin vers le passé est  certes barré, mais il reste l’avenir.

Et le registre de l’action.

Si le mal ne peut être « compris », il reste encore et toujours la possibilité de le combattre, de le faire reculer.

Et  l’on peut entendre alors la petite voix  de certains psy, qui affirment qu’on peut saisir au vol l’allusion, le soupir, le regard, le geste… de celui qui va si mal qu’il est susceptible  de commettre un  acte irréparable, inexplicable, innommable…

Leur petite voix, à peine audible car noyée dans le brouhaha des propos convenus,  condamne les entretiens bâclés ( en moins de trente minutes  par exemple…) et  le  systématisme des  anti-dépresseurs qui ne savent que cacher la misère du cœur mais qui sont si rapides à prescrire.

La petite voix qui susurre que des psy bien formés existent, que leur sens clinique peut être mis au service de la prévention. Que de nombreuses personnes ont été  ainsi sauvées.

Cet art qui sauve, ils ne l’ont pas forcément appris à l’Université.

Mais on peut imaginer que Andreas Lubitz aurait pu avoir la chance d’en bénéficier.

Et les 149 autres avec lui.

Dr Christophe Marx

Avril 2015

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