Médecine du travail….

L’ambiance  au travail n’a jamais été très bonne ici.

Disons que tout le monde est un peu dans sa bulle. Pas question de se donner des coups de main les uns aux autres, on est tous affairés à garder notre « productivité » : c’est le maître mot de la direction.

D’ailleurs les cadres nous  le répètent assez souvent, ils ne nous payent pas pour nous rouler les pouces.

Prendre le temps de réfléchir un peu à ce qu’on fait,  travailler en équipe, tirer parti des réelles compétences de chacun, savoir prioriser les tâches….  ce n’est pas « se rouler les pouces », mais on n’a pas le temps.

La seule ligne qui compte, c’est celle qui est en bas du bilan.

 

Et puis un jour, on a eu un nouveau médecin du travail.

Sympa, le type, plutôt ouvert. Il semblait nous écouter, alors on lui a tous dit ce qu’on avait sur le cœur.  Un peu pour se plaindre, bien sûr, mais surtout parce que ça faisait du bien de se sentir écouté.

Il était complètement impuissant  pour changer la situation, évidemment, mais ça faisait un drôle de gratouillis dans la gorge de voir quelqu’un qui semblait nous comprendre.

Il avait dû faire des formations pour ça, mais quand il nous répondait, c’était vraiment pour nous parler, pas pour enchaîner des  conseils à la gomme, ou s’affoler comme un maman débordée et culpabilisée.

 

Et puis un jour, il a décidé d’agir, mais pas du tout là où on l’attendait.

Il a fait une note à la direction pour signaler un problème sur le degré d’hygrométrie dans les locaux : il faisait trop sec !

C’est vrai qu’on avait parfois besoin de s’humidifier les lèvres, mais enfin ce n’était pas le plus gros problème de l’entreprise.

Il a expliqué que pour remédier à cela, on n’avait pas besoin d’engager des frais énormes (le directeur financier a apprécié)  mais qu’on pouvait mettre un peu partout des plantes vertes ;

Il a fait introduire dans l’entreprise un monde végétal bien agréable.

Après, il a fallu décider où les mettre… Tout le monde donnait ses souhaits, ses idées !  On se souriait, même les cadres d’habitudes si coincés, et on faisait des essais, on changeait, on rechangeait, un joli remue-ménage !

Et de fil en aiguille, ça a changé pas mal de choses. Dans l’open-space, vous savez les bureaux regroupés au milieu d’une grande pièce sans aucune intimité, c’est là que tout s’est cristallisé : on n’arrivait pas à disposer les plantes, ou alors tout autour et ce n’était pas beau.

Certains en ont profité pour dire que cette configuration, ça leur pesait, et ils ont proposé d’organiser l’espace autrement. Les chefs n’étaient pas chaud, ça n’aime pas changer les chefs.

Alors une dizaine d’entre nous s’est réunie pour mettre noir sur blanc les inconvénients de l’open space, et comment on travaillerait mieux dans une autre configuration.

On a fait la réunion avec la hiérarchie dans la salle la plus décorée de la boite : ça sentait bon là-dedans, rien que rentrer dans la pièce tout le monde avait le sourire.

La réunion s’est bien passée. Ils ont été  d’accord pour essayer comme on disait.

Après tout s’est enchaîné très vite : chacun s’est mis à travailler dans une autre ambiance. C’est comme si on avait appris à se faire plus confiance.

Quand on avait un problème, on pouvait aller en parler au chef, il refusait plus systématiquement d’accorder un congé exceptionnel : il savait qu’on ferait tout pour rattraper ensuite : on ne traînait plus des pieds… ça faisait tout drôle d’avoir l’impression de travailler ensemble.

Du coup évidemment, moins d’absentéisme, moins d’arrêt de travail, et la ligne en bas du bilan, elle a bien apprécié.

On s’est partagé le roulement pour arroser les plantes et les fleurs ;

Les cadres ont réclamé d’y être aussi : ils se sont rendus compte que la demi-heure hebdomadaire qu’on y passe, elle met dans un bon état d’esprit pour la semaine !

Je sais pas pourquoi, mais le médecin du travail quand il vient nous voir sur notre lieu de travail, il a un petit sourire, comme s’il était fier de son coup.

Mais je me trompe sûrement, il a juste voulu régler  un problème d’hygrométrie…

 

Dr Christophe Marx

Mai  2010

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