Répétez après moi…

Comme dans la nouvelle d’Edgar Poe, «  La lettre volée », l’évidence se cache souvent… devant nous, sans se cacher justement.

Et de découvrir  cette évidence nous trouble par deux fois : la première pour se dire «  Mais comment n’y avais-je pas pensé plus tôt ? », la deuxième fois pour rager d’avoir méconnu si longtemps ce qui nous crevait les yeux.

Todd Shackelford et ses collaborateurs de la Florida Atlantic University ont analysé les comportements de plusieurs milliers d’hommes et de femmes, venant de 37 pays différents.

L’objet de cette étude consistait à tester les facteurs les plus importants pour choisir une compagne ou un compagnon.

Les premiers résultats confirment ce que l’on savait depuis belle lurette : les hommes s’attachent surtout  à l’apparence physique des femmes tandis que ces dernières sont plus séduites par le statut,  les signes extérieurs de pouvoir et de réussite sociale.

Mais ces mâles, tout alpha et dominants qu’ils soient attendent en fait pour se déclarer, d’avoir le feu vert de la dame.

Ces comportements  féminins semblent universels : sourire, regards (surtout associés) et le fait d’adresser la parole.

Une femme est plus abordée si elle fait cela, et si en complément :

–       elle penche légèrement  son buste en avant

–       elle incline légèrement sa tête sur le côté en symbole d’écoute attentionnée

–       elle montre son cou en relevant ses cheveux

–       elle fait bouger ses cheveux d’un coup de tête

–       elle sourit sans montrer ses dents, garde les lèvres légèremententrouvertes, et baisse le regard de temps en temps.

Debrah Walsh et Jay Hewitt de l’université du Missouri à Kansas City sont formels : l’homme a besoin d’un minimum  de signaux non verbaux pour s’approcher. Ces mâles cherchent en priorité à éviter de prendre une veste, un râteau…

Si vous êtes un homme, sachez que vous aurez plus de succès si vos gestes sont amples, si vous occupez l’espace, changez de place, et si vous vous caressez vous-même joues, menton, torse et épaules !

Renninger, de l’université de Vienne, confirme que les femmes ont besoin d’un contact visuel pour se sentir exister.

Tout cela est plutôt connu ; Mais  c’est la suite qui me laisse pantois.

Une fois la phase de séduction passée, c’est le fait de reproduire le comportement de l’autre qui crée la confiance et le maintien du lien.

L’étude a confirmé un lien renforcé si la femme, au moins 4 à 6 fois dans les dix minutes, va mimer le geste de l’homme (se passer la main dans les cheveux, par exemple) et répéter ses mots.

Plus le niveau d’imitation augmente, surtout en associant gestes et paroles, plus les hommes se déclarent  séduits !

Mais la symétrique est-elle  vérifiée ?

C’est ce qu’affirment en tout cas Johan C. Karremans et Thijs Vewijmeren de la Radboud University à Nijmegen aux Pays Bas.

La personne qui nous imite nous plait, et lorsqu’on veut plaire, nous imitons l’autre.

Tout ça pour ça !  Pour pouvoir s’admirer –ou se rassurer, narcissiquement dans le miroir de l’autre.

«  Parlez moi d’moi, y’a qu’ça qui m’intéresse … » dit la chanson.

On n’imaginait pas que la mimesis, chère à René Girard, viendrait s’insinuer dans nos motivations amoureuses.

Une femme disait : «  Moi, quand je veux que mon mari m’écoute, je commence ma phrase par ‘ tu avais raison hier, quand tu disais que’… »

On savait déjà en psychothérapie, commencer favoriser le lien, l’alliance avec le patient, en utilisant la reformulation, la synchronisation des gestes, de la respiration,  l’utilisation des neurones-miroir…

Au contraire, il s’agit là  plutôt d’un usage rustique et en dehors de toute volonté consciente, imprégnant la vie quotidienne au cœur même du choix amoureux, que d’aucuns auraient  espéré  spontané et libre…

Je sais bien que nous sommes dirigés par –cocher au choix, liste non exhaustive :

–       notre inconscient

–       notre histoire

–       notre éducation

–       notre culture

–       nos neurones cérébraux

Mais il s’agit là d’admettre que nous ne sommes attirés que par … du même.

Si vous rencontrez l’homme ou la femme de votre vie, et que vous constatez  que cette personne :

–       ne mange pas comme vous : en quantité, en rythme, en saveurs…

–       exprime volontiers son désaccord intellectuel avec ce que vous dites

–       manifeste des émotions qui vous chamboulent ou au contraire reste impassible alors que vous aimeriez échanger cœur à cœur

–       aime la mer et vous la montagne

–       souhaite une éducation structurée pour vos futurs enfants, alors que vous seriez plutôt du genre laxiste

Alors de gros nuages noirs s’accumulent  peut-être sur vos têtes.

Peut –être faudra-t-il vous résoudre à un traitement quotidien de  Dicomel, ou de Faiscommilveut.

Même si une prise exceptionnelle de ces médicaments peut parfois permettre de dépasser une crispation, voire une crise, l’usage permanent crée une accoutumance parfaitement dommageable.

Faisons mentir ces comportementalistes  et choisissons l’analogie pour trouver comment être ensemble, alors que nous sommes différents ?

Entre la fusion indifférenciante, et l’isolement rédhibitoire de chacun dans sa bulle, il nous faut trouver une médiation, c’est-à-dire un lieu qui soit et à l’un et à l’autre, sans les résumer pour autant.

Ouvrons un bel espace au couple, au delà des signaux non verbaux destinés à faire en sorte que l’autre ne se sente pas menacé, puisque en terrain connu.

1* Comment trouver ce qui nous unit (ce qui nous fait nous ressembler) au cœur de ce qui nous sépare ?

2* Comment trouver ce qui nous sépare alors même que nous nous sentons unis, voire “un” ou,  à tout le moins,  les « mêmes » ?

Christophe Marx

Juillet 2016

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