C’est la mode de mélanger les genres, en particulier masculin et féminin.
Les mélanger au point de les confondre, et dans cette confusion, les publicitaires ne font pas dans la dentelle.
Cette publicité annonce en bandeau noir : “Pour Homme”.
Et l’on voit une femme.
Une femme “pour” un homme ? Nous serions dans une ambiance machiste, où l’on promettrait à un homme qu’il aurait une femme pour lui ?
Mais cette femme porte une moustache, manifestement postiche et sa coupe de cheveux est plutôt masculine.
Donc si une femme peut se faire passer pour un homme, la publicité est aussi pour elle.
Mais cette femme est très clairement femme, et même particulièrement féminine : les traits de son visage, la courbe de son cou et de ses épaules est féminine.
Cette femme-femme donc, même grimée, est désirante : les yeux sont expressifs (le regard est présent, légèrement hautain, peut-être juste assez pour ne pas être implorants (comme une femme-enfant), ni maternels), la bouche est ouverte sans être avide.
Elle a tout pour séduire sans faire peur.
C’est la femme parfaite.
Non seulement elle est désirante, mais elle passe à l’acte : elle tient dans sa main, dans un geste sans équivoque la gourmandise qu’elle approche de sa bouche.
Les symboles masculins pullulent également :
Le mot homme en haut de la page, le mot “barre” ( qui désigne vulgairement l’érection ), le magnum qui évoque à la fois la grande barre (!) et l’arme à feu, particulièrement lourde et puissante.
Le comble, le clou pourrait-on dire , est la friandise elle -même, dans les mains de la femme.
Déchirée en partie, comme décalottée, elle montre une extrémité suintante ( de caramel…).
Le problème des publicitaires semblait être celui-là :
comment faire consommer une friandise, traditionnellement réservée aux enfants, à des gens qui veulent se croire adultes !
La douceur sucrée sera évoquée, une seule fois et au deuxième plan, en bas de la page, par en dessous : caramel & nuts : en anglais, comme pour moderniser le concept ! Mais sans parler du chocolat, trop connoté.
Ainsi, le monde de l’enfance, pourtant visé, est éliminé de l’image.
Quant à l’abus de cette gourmandise, provoquant le sur-poids ( caramel et noisettes!) il repousserait plutôt l’éventualité du passage à l’acte sexuel. Exit toute allusion à la modération.
A qui s’adresse cette publicité, trouvée dans un journal destiné au 15- 25 ans ?
Aux garçons, bien sûr : “Vous êtes important, votre sexe est important, il va intéresser les femmes et les rendre désirantes…”
Aux filles : Vous pourrez avoir des apanages masculins ( la moustache ) mais personne ne sera dupe (elle est fausse ) : vous serez mâle et femelle en même temps !
Aux adolescents :
“Elle fera de vous un homme ” : C’est bien le projet de tous ces garçons en devenir.
Le message est souligné par le sautillant “nouveau” : il s’agit bien d’inaugurer une situation nouvelle dans le passage à l’âge adulte.
Aux homosexuels :
Elle fera de vous un homme : un peu pour de vrai, un peu pour de rire. Vous êtes femme ? Vous aurez l’apparence d’homme !
Vous êtes homme ? Elle fera de vous un homme, au look si féminin…
Ce qui semblait, il y a quelques années, un leurre absurde et gentillet est en passe de prendre corps : la disparition de la dichotomie homme/femme, qui laisse la place au continuum du” genre” : un pôle plutôt masculin, un pôle plutôt féminin, laissant le loisir de se situer à mi-chemin.
Tout est effectivement mélangé : symboles féminins et symboles phalliques. Désirs phantasmés ou agis, frime ou réalité….
Le monde adolescent est effectivement tout entier présent : faux semblants, recherche d’identité, fascination pour le passage à l’acte…
Mais en fait, c’est l’enfance gavée de sucre qui se rappelle et s’impose.
Comment rappeler à ces jeunes que le passage à l’âge adulte passe par un renoncement à l’enfance ?
Que la sexualité est d’une autre nature que la consommation ?
Que la rencontre de l’autre, différent, forcément différent, exige plus que l’attente d’une gratificitation doucereuse.
A vos pinceaux, publicitaires créatifs : vous qui savez parler leur langage, aidez-les à grandir, plutôt que leur faire croire qu’ils auront tout à la fois : le privilège de l’enfance et la responsabilité des adultes !
Est-ce seulement l’appât du gain ( vendre des barres chocolatées ) qui motive une telle déconstruction du tissu relationnel ?
Y a-t-il pour ces enfants un autre avenir que celui d’androgynes obèses, et la main sur le sexe ?
Dr Christophe Marx
Aucun commentaire