Ils ne s’étaient pas vus ni parlé depuis dix ans.
Leur échange téléphonique avait été bref mais intense.
– J’ai un déjeuner d’affaire vendredi dans la ville où tu habites, je ne sais pas encore où exactement. On peut se retrouver après pour boire un café ?
– Pour ma part, je déjeune avec des amis au restaurant. D’accord pour le café.
On se téléphone vers 14h pour préciser le rendez –vous.
– C’est parfait, à vendredi. J’ai hâte de te retrouver.
Il ne passe dans cette ville qu’une fois tous les dix ans.
Il y a 328 restaurants dans cette grande métropole.
Ils sont entrés ce jour là quasiment en même temps dans la salle de ce restaurant.
Sans s’être concertés, évidemment.
Qui convoquer pour expliquer cet événement parfaitement improbable ?
Le rationaliste :
Oui, c’est une coïncidence ! Que l’on ne remarque que parce qu’elle nous trouble… c’est cela qui la rend remarquable. On ne repère pas les milliards d’événements banals de notre vie, mais on s’émerveille quand le hasard fait surgir cette conjonction que l’on est tenté de vêtir des habits neufs de notre attente de sens.
Le croyant :
Dieu, Yahvé, Allah veille sur nous. Il nous envoie des signes, et nous invite à les lire. La Providence, discrètement, nous prodigue des messages ; à nous de les déchiffrer avec subtilité dans une démarche spirituelle.
Carl Gustav Jung , psychanalyste
C’est pour lui l’occurrence simultanée d’au moins deux événements sans lien de causalité mais qui prennent un sens pour la personne. Cette occurrence apparaît si choquante pour le sens commun qu’on s’en trouve transformé. Ce défi à la notion de causalité remet en cause l’ordre du monde et la place des sujets que nous sommes. Entre mysticisme et magie, Jung n’a finalement pas tranché.
Hubert Reeves, astrophysicien :
Il évoque le « plan acausal sous-jacent à l’existence des lois de la nature » Ce serait celui où s’inscrirait la question du « sens » ou de l’« intention » dans la nature, là où la conscience de l’homme s’inscrirait dans son évolution : les événements synchronistiques seraient significatifs de l’unité de l’univers, et la notion de synchronicité serait de ces intuitions exprimées par des balbutiements maladroits parce que « les mots mêmes nous font défaut ».
La physique quantique donnant la main à la métaphysique, dans un étrange ballet…
Tout est relié.
Le battement d’aile d’un papillon en Chine peut provoquer un ouragan aux caraïbes.
La modification de la trajectoire d’un électron, peut provoquer au mêmemoment un changement dans la trajectoire d’un autre électron situé à l’autre bout de l’univers. Les synchronicités constitueraient le matériau expérimental d’une théorie du Temps et de l’Espace. Cette théorie serait porteuse d’un message salutaire : nos intentions agiraient comme par magiedans notre vie, pour peu qu’elles entretiennent le cycle de l’amour et avec lui, les pouvoirs extraordinaires du don de soi et du détachement.
Alors, loi des séries ? Jamais deux sans trois ? Explorations mystico-gazeuses évoluant dans le doux cocon des théories improuvables, mais tellement troublantes quand on les caresse dans le « sens » du poil ?
Ebauche d’une révolution physique et métaphysique à venir ?
En lisant ce billet, vous allez spontanément penser à une synchronicité.
Ou alors elle va survenir dans la journée.
A la rigueur dans la semaine.
Quand on cherche, on trouve.
Mais qui dira le sens … de cette « quête de sens » ?
Christophe Marx
Décembre 2014
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