La prescription volontariste de pardonner est politiquement correcte. Mais court-circuite un long processus et aboutit à des pseudo-résolutions factices, véritables bombes à retardement.
« Oh ! Pardon… »
Cette phrase banale veut en fait dire « Veuillez m’excuser ». Pourquoi pas, mais elle sonne parfois light suivant le contexte.
« Je te demande pardon », « Je te pardonne » : cela résonne plus lourd.
Ce ne sont pas des phrases qu’on prononce à la légère : on a manifestement envie de se réconcilier, de s’apaiser… Ou à tout le moins de cesser de se faire la guerre.
Mais pardonner, ce n’est pas oublier.
Ce n’est pas effacer, comme avec une ardoise magique.
Ce n’est pas accepter, excuser, admettre, justifier.
De plus, qui sommes –nous pour pardonner ? A qui pardonnons-nous finalement ?
Celui qui pardonne est-il « au dessus » de l’autre, juché sur sa magnanimité ?
Celui qui demande pardon, est-il un bourgeois de Calais, ratatiné de culpabilité ou de honte ?
Et l’impardonnable existe bel et bien. C’est en tout cas une évidence subjective pour nombre d’entre nous.
Alors s’il s’agit-il simplement de se réconcilier, pourquoi alors chercher une notion aussi tarabiscotée que le pardon…
Le pardon ne se calfeutre pas dans un petit coin de notre psychisme, comme un pis-aller visant à éviter les conflits.
Il y a du souffle dans le pardon. On est dans le pardon comme on est dans l’atmosphère.
On le respire, et il ne nous appartient pas plus que l’air ne nous appartient.
Mais on en vit.
Certaines religions (pas toutes !) ont repris le thème : on les comprend puisque la Vie est leur horizon.
Tout se passe comme si Vie et Pardon étaient synonymes.
Celui que se venge, qui entretient du ressentiment, ne vit pas : il survit enfermé qu’il est dans l’offense subie.
Dans une optique psychologique, on peut lire « l’état de pardon » comme un retour à la vie, l’aboutissement d’un processus de deuil, souvent long et douloureux.
Comme un accouchement, comme la guérison d’une blessure.
Notre image a été blessée, comme l’ont pu être notre corps ou celui de nos proches, nos valeurs…
Les différentes étapes du deuil sont désormais bien connues : déni, abattement, colère, rationalisation, chagrin, et puis finalement l’acceptation.
Non pas l’acceptation de la perte ou de l’offense mais l’acceptation de la vie qui continue non pas malgré la blessure, mais au cœur de la blessure.
Le véritable aboutissement du deuil, c’est la vie qui donne… qui pardonne.
Et les cadeaux sont imprévisibles et innombrables.
Christophe Marx
Novembre 2016
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