Donald Wood Winnicott est un psychanalyste atypique.
D’abord, il prend ses distances avec la théorie freudienne sur les pulsions.
Ensuite, il ne se contente pas de déduire de l’analyse qui « était » l’enfant reconstruit de l’adulte en face de lui, mais comme pédiatre, observe en direct les interactions mère –enfant.
Puis, il accepte de prendre en analyse le fils de son amie Mélanie Klein, mais sait refuser l’exigence qu’elle posait qu’il lui rendît compte du contenu des entretiens !
Il refuse de s’inféoder aux groupes qui soutiennent Mélanie Klein, ou Anna Freud.
Il affirme que l’enfant n’a besoin, pour se construire, que d’une mèresuffisamment bonne, une mère « ordinaire »… libérant par la même toutes les mères de l’obligation d’être des mères parfaites.
Il affirme que c’est précisément cette obligation d’être « parfaite » qui va peser sur l’enfant et entraver sa croissance et son épanouissement, en le convoquant à une permanente sur-adaptation ( le faux-self).
Il va observer que les mères, depuis la fin de la grossesse jusqu’à quelques semaines après la naissance, vont entrer dans une sorte de bulle avec leur bébé, caractérisée par une extrême sensibilité à tout ce qui a trait à son nourrisson.
Ce dernier va évidemment bénéficier de cette « préoccupation maternelle primaire » et se sentir sécurisé et protégé.
C’est a priori l’évolution de l’enfant lui-même qui va libérer sa mère de cet état.
Mais Winicott emploie pour décrire cet état maternel des mots étrangement tirés du registre pathologique : « un état de repli, ou un état de dissociation, ou une fugue, ou même un trouble plus profond, tel qu’un épisode schizoïde au cours duquel un des aspects de la personnalité prend temporairement le dessus. » (De la Pédiatrie à la psychanalyse p. 287)
Alors, bienvenue à la préoccupation maternelle primaire, à condition d’en sortir assez vite ?
Et si on devinait ici, en creux, le rôle du compagnon de la mère et du père de l’enfant ( si c’est le même, cela ne gâche rien) pour aider à séparer la mère de l’enfant et l’enfant de la mère ?
Il semble évident que pour Winnicott ces concepts d’environnement suffisamment bon et de préoccupation maternelle primaire dépassent largement la relation mère/enfant.
Combien de médecins, de thérapeutes risquent eux aussi (elles aussi ?) de se jeter corps et âme dans un lien thérapeutique en oubliant de se borner à n’être « que » des thérapeutes… suffisamment bons, comme l’évoque la facétieuse trouvaille de Nathalie Gimenez-Castelli !
On aurait alors besoin de « superviseurs –pères » pour défusionner régulièrement.
Pour le plus grand bénéfice de tout le monde.
Bien vu, Donald.
Dr Christophe Marx
Octobre 2014
« Le thérapeute suffisamment bon » est le titre d’une formation donnée par le Dr Christophe Marx. Elle dure une journée et peut être organisée dès qu’une dizaine de participants en fait la demande.
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