La lettre mensuelle de l’assurance maladie ( N° 36), envoyée à tous les médecins relaye les recommandations suivantes ( émanant de la Haute Autorité de Santé, et l’Afssaps *) à propos de l’épisode dépressif caractérisé :
« Les recommandations rappellent l’importance d’évaluer le risque suicidaire dès la première consultation et tout au long du suivi. Elles distinguent les éléments thérapeutiques indispensables comme le soutien psychologique, et ceux à envisager au cas par cas, non systématiquement, comme la prescription de médicaments anti-dépresseurs, qui ne doit pas être inférieure à six mois.
L’épisode dépressif caractérisé est un enjeu de santé publique : sa prévalence est estimée à
7, 8% de la population par an en France, soit quatre millions de personnes. »
Traduisons en langage de tous les jours : Quatre millions de personnes rament donc en pleine déprime.
Il n’y a pas encore si longtemps la population, grâce à force messages publicitaires, fut éduquée à savoir que la dépression est une maladie comme une autre qu’il faut soigner en allant voir son docteur.
Le docteur prescrivant aussitôt le médicament qui va bien.
Applaudissements de l’industrie pharmaceutique qui vend l’antidépresseur miracle.
Mais l’anguille s’agitait sous la roche, et la consommation hallucinante d’antidépresseurs par les Français finit par faire tache.
Nous apprenons maintenant que les antidépresseurs ne doivent pas être prescrits systématiquement mais au cas par cas, et pour au moins six mois.
C’est-à-dire pour des dépressions qui le « méritent ». Quatre ou cinq mois d’antidépresseur, ce n’est pas suffisant. Quitte à prescrire, ne lésinons pas.
Fort bien. Il faut admettre que certains patients ont un réel besoin d’aide chimique. Les médications existent, n’en contestons pas les indications.
Par contre, il est recommandé de privilégier, et là systématiquement le soutien psychologique !
Où diable sont les médecins généralistes suffisamment formés pour évaluer le risque suicidaire dès la première consultation, et capable d’assurer le soutien psychothérapeutique adéquat et prolongé qui sortira le patient de sa dépression ?
Laissons les psychiatres hors du coup : ils sont trop peu nombreux pour prendre en charge ces quatre millions de personnes ( 4 millions !), et sont très occupés à gérer les psychotiques, les addicts et les agités violents.
Médecins généralistes, donc ….
Personne n’a la naïveté de croire qu’une simple écoute bienveillante et empathique a un pouvoir psychothérapeutique suffisant pour faire face à un épisode dépressif caractérisé.
Personne d’un peu sensé, ne peut nier qu’il faut pour cela une formation à la psychothérapie que l’université ne délivre pas ( mis à part quelques DU çà et là, destinés à une poignée d’étudiants…)
Les connaissances en psychopathologie, certes très utiles ne remplacent ni la formation à la psychothérapie ( une compétence à part entière) ni la thérapie personnelle du médecin.
Pour prétendre aider les autres, il faut avoir nettoyé son pare-brise.
Sans exiger dix-années-de-psychanalyse-approfondie, on peut quand même souhaiter qu’en matière de psychologie, le praticien ait fait un minimum de travail personnel, pour ne pas transmettre ses propres aveuglements, ses sentiments lugubres, ses désespoirs cachés ou son naïf optimisme.
Le médecin, tenu à l’écart de toute formation sérieuse à la psychothérapie, autant pendant ses études qu’en formation continue devrait donc assurer le « soutien psychologique » de quatre millions de déprimés !
Le patient épuisé par un chômage interminable, un deuil subit, un harcèlement cruel, un divorce musclé, une maladie longue et douloureuse, un stress professionnel…. Bref les gens –dans leur réalité et leur quotidien banal, méritent plus de considération qu’un « soutien psychologique ». Ils n’ont pas uniquement besoin d’être soutenus, mais d’être traités.
Par des médicaments, parfois.
Par de la psychothérapie, souvent.
Avec respect, toujours.
* Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
Dr Christophe Marx
Novembre 2010
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