Lorsque Catherine Clément parle du livre de Groddeck : ” Nasamecu”, écrit dans les années 1920, voici ce qu’elle en dit:
“La nature guérit, le médecin soigne”: en latin : ” Natura sanat, medicus curat”
Lorsque Groddeck écrit ce texte, c’est en explorateur : Nasamecu est un territoire inconnu, aux frontières des terres civilisées de la médecine classique– diagnostics, traitements, médicaments, chirurgie — et des terres vierges encore de ce qui deviendra la médecine psychosomatique.
Ce livre est plein d’enseignement, et de surprises.
On y retrouvera bien sûr le Groddeck qui sait, résistant à Freud, ouvrir les chemins du corps, en parler comme personne, montrer les corrélations vraies entre l’acné et le désir, le bouton et le fantasme : curieux médecin, qui sort de son savoir pour vagabonder ailleurs, du côté de la pensée sauvage, de l’héritage ancestral , du bon sens appuyé sur des décisions soudaines, inspirées — et qui montre à chaque page, à chaque pas de la géographie et de l’hisoire du coprs comment chacun peut se guérir soi-même.
Mais on y découvrira aussi, et quelle révélation, un autre Groddeck, chantre de la pureté du sang, dont les professions de foi racistes préfigurent étrangement les massacres du Troisième Reich.
Ce Groddeck-là , ce visage d’ombre si différent de l’image pieuse qui nous est habituellement proposée, il ne faut pas l’oublier.
Son aveuglement est plus qu’une anecdote : c’est un signe, qui donne à penser en ces temps où le théorique est volontiers jeté aux orties.
Cet homme au regard magnétique, médecin égaré en son temps, païen déplacé dans un siècle scientiste, analyste malgré lui, rebouteux du corps et de l’âme, aussi séduisant que tous les prophètes, fut aussi dangereux, comme tous les “mages”. Il faut le lire avec lucidité”
Mais laissons la parole à Groddeck, lui même :
P. 101
” Et si l’on veut mieux faire encore, on déclassera jusqu’au niveau le plus bas de la société humaine tous les éléments vraiment médiocres, mauvais dès leur naissance, ou issus du mélange avec d’autres races.
On les privera des devoirs et des droits du citoyen, pour en faire un nouveau prolétariat.
Le moment est venu : si nous souhaitons réellement offrir à l’ouvrier allemand des conditions d’existence dignes, chose aussi nécessaire que légitime, il nous faut donner à l’ouvrier une assise faite de créatures de basse extraction sur laquelle il puisse s’appuyer.”
P. 168
Plus que de raison, les gens ont peur du sang: il ne sont pas rares à défaillir à la vue d’une simple goutte de sang.
Il serait souhaitable cependant qu’ils le respectent davantage : la vue du sang leur est insupportable, mais il ne craignent pas de corrompre le sang pur par des mariages mixtes avec des races de couleur.
Il est déjà bien regrettable que notre époque approuve les unions avec des étrangers.
Mais le mariage avec des gens de couleur est un crime qui devrait être sanctionné au moins par la privation des droits civiques frappant les époux et leurs enfants.
Quand on trahit son sang, on ne mérite pas d’être citoyen.
Il parait que, lors de l’analyse de sang, certaines réactions chimiques ont établi que le sang des Malais s’apparente davantage au sang simien, qu’au sang humain.
Il conviendrait d’établir la même chose pour les Chinois, les Noirs, les Japonais et d’afficher les résultats à tous les coins de rue, afin de réveiller la pudeur et le respect de ce don divin qu’est le sang pur.”
Notre époque ne peut se passer du souvenir de telles citations.
Christophe Marx
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