Article paru dans le journal de l’EATA en Novembre 1999
Lorsque j’animai, en 1979 au congrès de l’EATA Aix-en-Provence (France) un atelier intitulé :
” La place de l’analyse transactionnelle dans la consultation médicale ”
je ne me doutais pas que vingt ans après, ce thème mériterait encore l’intérêt de mes confrères médecins.
Une importante partie de mon activité consiste donc à former les médecins à l’AT, tant en formation continue qu’au cours du cursus initial : j’anime en effet à Nîmes (France) une U.V de 20h sur la relation avec le malade pour les étudiants de 4ème année de médecine.
Hélas, je dois constater qu’il existe peu de médecins certifiés en AT à ce jour.
Il y a, mon avis, plusieurs raisons à cet état de fait :
L’AT n’a pas développé un droit de cité suffisant parmi les psychiatres, qui restent dans leur majorité dans le giron de la formation psychanalytique.
L’AT n’a pas trouvé sa place non plus dans la psychologie humaniste, et reste coincée entre une image de gadget californien années70’s, et une autre plutôt manipulatrice, confondue souvent avec la PNL ou l’hypnose .
Enfin, les médecins vaguement informés sur la psychothérapie mettent dans le même sac la sophrologie, la relaxation, l’approche systémique, cognitivo-comportementale, et l’AT !
De plus, le médecin ne sait pas très bien si une formation en AT fera de lui un psychothérapeute ( et que fera-t-il alors de son savoir-faire technique ?) ou un praticien plus pertinent dans la conduite d’une consultation, surtout psychosomatique (et il n’aurait que faire alors d’une formation à la psychothérapie ).
Nombreuses sont les personnes (médecins ou non ) qui pensent que le simple fait d’être diplômé en psychiatrie rend pertinent pour pratiquer la psychothérapie (c’est aussi la position du Conseil National de l’Ordre des Médecins)
Il faut donc, si l’;on veut aborder les rapports entre médecine et AT clarifier tout d’abord le projet général, qui peut tourner autour de deux axes principaux:
– L’AT au service de la consultation médicale.
– Le médecin psychothérapeute transactionnel.
L’AT au service de la consultation médicale
La consultation médicale se divise classiquement en trois parties : l’entretien, l’examen physique et la prescription.
Au cours de chacune de ces phases, la conduite de l’entretien peut être facilitée par une formation adéquate et la proportion d’interventions toxiques réduite.
Quelques minutes suffisent pour expliquer la toxicité de l’intervention qui consiste à partager le rire du pendu d’un malade.
Souvent, mes confrères prennent la défense du rire du pendu en lui attribuant les mérites dédramatisants de l’auto-dérision. Mais dès qu’ ils en reconnaissent le caractère destructeur, ils changent leur pratique dès le lendemain de la formation !
De nombreux médecins ont appris à la Faculté comment être de bons ingénieurs en médecine , mais ils sont très décontenancés quand ils s’aperçoivent que les vrais patients (et pas seulement les dossiers) existent, qu’ils arrivent en retard, ne respectent pas les prescriptions, sont agressifs ou éclatent en sanglots sans explication : bref, qu’il faut aussi gérer la dimension relationnelle et humaine.
Ils se rendent comptent que l’on peut apprendre cela sur le tas , mais que cela met très longtemps, et que l’on peut faire beaucoup d’erreurs.
La méthodologie médicale est basée sur la séquence : sémiologie, diagnostic, traitement et enfin évaluation du traitement.
Non seulement l’AT ne leur demandera pas d’abandonner ce schéma mental, mais ils pourront continuer à l’utiliser dans le champ relationnel : la question ( quoi dire ? quoi faire ?) de la conduite à tenir s’appuiera sur un diagnostic (par exemple celui d’un Etat du Moi) , lui -même soumis à une grille sémiologique ( les indices à repérer ).
La plupart du temps, conscients qu’ils faisaient de la prose sans le savoir, les médecins deviennent persuadés qu’une telle formation les aidera à potentialiser et rendre plus rigoureuse une pratique qu’ils avaient déjà .
La réflexion argumentée viendra au secours de leur intuition.
Les voilà mieux armés pour guider l’entretien.
Mais l’AT n’a pas livré encore toutes ses ressources : ils vont également pouvoir comprendre la dynamique du malade à l’intérieur même du processus morbide.
Il n’est pas besoin de s’attarder démesurément pour leur faire comprendre les jeux psychologiques si souvent joués en consultation !
Citons en pêle-mêle quelques uns :
Pauvre de Moi
Regardez dans quel état vous m’avez mis avec votre traitement
Pourquoi ne pas essayer ce traitement ?
Oui mais !
Au viol ( intéressez vous moi, mais mêlez vous de ce qui vous regarde!)
J’essaye uniquement de vous aider (en acceptant de vous recevoir en urgence … pour une bricole qui peut attendre demain ! )
Essayez un peu de me guérir ( de mes migraines ..)
Docteur, vous êtes formidable !
Etc !
Quand au matériel des Schiff, il rencontre un succès considérable : combien de consultations qui sont des modèles de symbiose ?
Combien de redéfinitions viennent hacher menu toute tentative de communication Adulte ?
Comment la passivité ( surtout l’abstention et la suradaptation, bien sûr, mais plus souvent qu’on ne le croit l’agitation et la violence !) alimente-t-elle les processus d’évitement, aussi bien des malades que des médecins !
Les groupes de supervision (type Balint, du nom du psychanalyste fondateur de ce type d’activité) sont largement alimentés par des études de cas, dans lesquels l’AT apporte une aide précieuse et vite incontournable !
Le médecin psychothérapeute transactionnel
Le médecin qui a trouvé grand bénéfice à utiliser l’AT au service de sa pratique habituelle, peut éventuellement décider de commencer un travail sur lui-même ( comme s’il avait compris que, pour aider les autres, il fallait commencer par nettoyer son pare-brise !) ou même de mettre en place une pratique plus psychothérapeutique, rompant peu peu avec la dimension technique.
Cette césure est moins nette évidemment pour les psychiatres, qui avaient déjà l’habitude de ces entretiens.
Non seulement ils vont changer de pôle d’intérêt, se centrer sur la personne plus que sur l’organe ou sur la maladie, mais ils vont changer leur style de pratique.
Ils vont découvrir par exemple l’intérêt thérapeutique de faire payer une consultation non décommandée.
Mais cette façon de faire est en opposition avec la législation française de la Sécurité Sociale.
Dans le même ordre d’idée, la tarification très encadrée des actes médicaux s’adapte mal à des séances de 45 minutes, trop longues pour des honoraires prévus pour une consultation standard .
Certains obstacles se dresseront sur leur route n*anmoins, s’ils désirent se certifier dans la champ clinique de la psychothérapie :
Ils doivent bien souvent choisir entre leur ancienne pratique ( sauf s’ils sont psychiatres ) et la thérapie. Il est difficile en effet de mener de front deux activités exigeantes, en termes de temps et de formation..
Ils manquent de temps à consacrer pour les pré-requis ( formation avancée, surpervision….)
Ils n’ont pas l’habitude d’animer des groupes de thérapie, et leurs patients sont souvent très défensifs par rapport cette approche.
Les instances officielles sont plutôt méfiantes vis–vis de pratiques sectaires ou charlatanesques ( versus pratiques scientifiquement éprouvées) et l’image de l’AT n’est pas encore assez limpide pour se démarquer clairement.
Enfin, et peut-être surtout les médecins ne voient pas l’intérêt de chercher la certification alors que leur diplôme les autorise d’emblée à pratiquer la relation d’aide, et qu’ils ont l’impression d’avoir assez donné en matière d’années d’études !; Ils sont assez peu sensibilisés à l’argument qui sous-tend le Certificat Européen de Psychothérapie : la nécessité d’une solide formation spécifique associée un travail personnel approfondi.
Il est donc pertinent de proposer aux médecins une certification dans le Champ Guidance, qui tienne compte de la réalité de leur pratique.
Cela dit, il ne faut pas oublier que lorsqu’un médecin fait la démarche de devenir analyste transactionnel, il bénéficie alors de toutes les ressources de sa formation et de son expérience : accueil empathique, fonctionnement Adulte la base de l’échange, démarche diagnostique rigoureuse, impératifs déontologiques, construction d’un plan de traitement….
En France, la planète transactionnelle a peu été colonisée par le monde médical.
Et pourtant, ceux qui s’y sont risqués ont vu quel point l’AT est un bon outil pour le médecin : pertinent pour conduire la consultation, pour comprendre le patient dans sa globalité (particulièrement dans l’approche psychosomatique, l’amélioration de l’observance des prescriptions, l’accompagnement des personnes en fin de vie, l’annonce d’un diagnostic grave ou fatal, les problêmes conjugaux…etc) et pour aider le médecin lui-même dans son contre-transfert !
En outre les procédures de supervision de l’AT constituent un élément majeur pour les médecins, en terme de rigueur, d’Okness et de gage de changement dans leur pratique.
Dr Christophe Marx
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