Le métier de médecin :”Pour un exercice scientifique vertueux”
Dr Caroline Martineau
In Le Quotidien du médecin
D’où vient le savoir être d’un médecin après qu’il a acquis le savoir-faire ? Comment survivre à la souffrance sans cesse côtoyée dans ce métier ?
Dans « Le métier de médecin ; Entre utopie et désenchantement », Marco Vanotti analyse les relations entre savoir-faire et savoir-être des médecins, entre attentes et frustrations des soignants et des soignés. Un manuel de motivation et d’espoir pour les médecins ou ceux qui souhaitent le devenir.
La souffrance liée au métier de médecin se trouve dans l’angle mort de la médecine moderne. Pourtant, les médecins éprouvent, ressentent, cherchent. C’est en réfléchissant à ces émotions et au chemin qui les a amenées à leur métier qu’ils l’exerceront au mieux, explique Marco Vanotti, psychiatre et psychothérapeute suisse d’orientation systémique. Une pratique humaniste de la profession suppose une articulation habile entre tâches techniques et relations. Ce savoir-être, dit-il, suppose un certain nombre de qualités, parmi lesquelles quatre lui paraissent essentielles : l’empathie, la capacité de faire preuve de courage ( au sens de prendre position de manière autonome et libre ), la détermination à soigner ( y compris quand il s’agit seulement d’accompagner), et la prudence ( qui exige un travail permanent de réflexion). Se forger ce savoir-être nécessite un travail toujours renouvelé par rapport à soi comme être humain, corollairement par rapport à soi comme figure professionnelle : « Le médecin doit prendre le courage se confronter à lui-même » écrit-il pour établir des relations de qualité avec ses patients, mais aussi pour ne pas céder au désespoir. Surcharge de travail, crainte de l’erreur, impact traumatique de la souffrance et de la mort constituent en effet un cocktail particulièrement propice à la dépression, voire au suicide, plus fréquents dans cette profession que dans d’autres.
Apprendre la relation
Même si chaque consultation est unique, chaque lien singulier, un certain nombre d’aptitudes et d’éléments invariants peuvent en garantir le bon déroulement. Si certains médecins sont plus « doués » que d’autres, l’établissement d’une relation satisfaisante pour les deux parties passe par une formation adéquate et une approche systémique de la médecin, qu’il s’agisse de comprendre et de décoder les demandes et les priorités des patients ou de les motiver dans une optique de prévention ( arrêt de l’alcool par exemple ).
Un chapitre consacré à l’entretien médical décrypte pas à pas le déroulement d’une consultation, la dynamique des questions réponses , la détection de sens cachés derrière les mots et les gestes.
En développant sa capacité d’être humaniste, la médecine peut non seulement remplir son rôle princeps, soigner, mais aussi devenir un des modèles de la solidarité qui maintient en éveil l’attention sur la question de la justice sociale. A l’heure où la profession est globalement en crise,où de nombreuses études montrent que le métier ne rend pas toujours heureux ceux qui le pratiquent , où les médecins doivent non seulement faire face à la souffrance et à la maladie, mais aussi à la destruction des liens sociaux et à la fracture sociale, cette analyse est particulièrement pertinente. A recommander à tous ceux qui s’exercent au soin.
Le métier de médecin
ENTRE UTOPIE ET DESENCHANTEMENT
Marco Vanotti
Ed Médecine et Hygiène 250 pages 33 euros
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