La honte défait le sujet, annule la personne, barre toute pensée, interdit le “je”, paralyse le mouvement, crispe sur la survie.
On nous fait honte pour nous faire taire, nous faire obéir, nous humilier, nous forcer.
Parfois sans raison apparente, et c’est alors bien pire.
On a honte d’être roux, ou trop gros ou trop maigre.
On a honte d’être de sa race, de son ethnie, de son peuple, ou de sa famille.
On a honte que l’autre se comporte comme il le fait.
On a honte de ce qu’on a fait, pensé, ressenti.
La honte est sournoise, vénéneuse et rampante.
Et pourtant !
Cette famille pauvre, honteuse de sa condition, et qui sait pourtant, ce qu’UN euro veut dire.
Tous chez eux goûtent et pratiquent la générosité.
Cette personne handicapée, honteuse de cette “insuffisance”, déploie des trésors de courage, d’humanité, de ténacité, là où un valide aurait renoncé depuis belle lurette.
Dans un remake récent de l’expérience de Stanley Milgram sur la soumission à l’autorité, on a transposé la situation dans un jeu télévisé.
Les “participants”, pour gagner, devaient envoyer des décharges électriques d’intensité croissante à une personne qu’on ne voyait pas.
L’animatrice du “jeu “encourageait et répétait qu’elle prenait la responsabilité de tout ce qui pouvait arriver.
60% des personnes sont allées jusqu’à délivrer des décharges qu’elles savaient mortelles.
Mais une poignée des personnes testées, a quitté le plateau en cours de route, dès qu’elles ont réalisé que l’autre souffrait vraiment ( en fait il n’en était rien, puisque c’était une simulation).
Il a fallu un courage inouï à ces personnes pour interrompre ce qu’elles croyaient être un rituel implacable : elles se croyaient scrutées par des millions de téléspectateurs.
Elles se sont levées, fragiles et hésitantes. Seules contre tous pour affirmer leurs valeurs.
Elles ont quitté le studio : et elles avaient honte d’avoir fait faux bond !
Nombreuses sont les situations dans lesquelles on nous a appris à avoir honte.
Sortir de la honte, aider à sortir de la honte, participe à l’énergie qui fait se lever le soleil chaque matin.
Mais, objecterez-vous, le violeur d’enfant, l’assassin sauvage, le pervers manipulateur… Ne devraient-ils pas avoir honte ?
Si déjà ils se savaient et se sentaient coupables, ce serait déjà bien.
Dr Christophe Marx
Février 2012
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