Enigme existentielle d’un TAG- sept 18

L’auteur de ce tag (une inscription à la bombe de peinture sur un mur) était-il atteint du TAG ( trouble anxieux généralisé ?)

Les lettres sont de grande taille, correctement lisibles et se détachent hardiment sur le mur de l’escalier.

L’immeuble est cossu sans être huppé, et les gens se saluent courtoisement sur le palier lorsqu’ils se rencontrent.

Les mauvais quartiers sont à plusieurs stations de métro, et l’ambiance  est  ici largement … civique.

Un matin, en descendant la poubelle, on découvrit le texte de ce tag, reproduit ici fidèlement :

#niktesmegots

 

Cela coûtera certainement quelques centaines d’euros à la co-propriété pour faire effacer l’incivilité graphique. Le syndic dit qu’il veut attendre de connaître le coupable avant de commencer les travaux de nettoyage. Cela dit, sans caméra de surveillance, la probabilité d’arrêter quiconque est nulle. L’effacement va sans doute tarder.

Ce non-événement a néanmoins pour moi un pouvoir de fascination.

Oui, j’aime comprendre.

J’aime connaître la motivation des autres, même si elle est contradictoire, paradoxale, complexe, voire tordue.

J’aime faire des liens entre le comportement et l’histoire des personnes.

Je me pique de déduire à partir d’ écrits, des hypothèses plausibles sur la psychologie de leur auteur.

J’admets ( j’ai fini par admettre) que les adolescents de tout âge défient la rigidité du monde par l’affirmation d’un absurde en majesté.

Les astrologues repèrent du sens dans le positionnement des étoiles, les homéopathes croient que l’eau garde la mémoire du produit actif pourtant disparu, les économistes continuent de publier leurs prévisions, on tire du test de Rorschach d’étonnantes conclusions sur l’interprétation de mystérieuses taches d’encre…

*

Mais qui pourra approcher la profondeur de ce tag ?

Subodorer l’importance du Hastag ?

Replacer nik dans son contexte ? Attaque ? Nique ? Mets à la poubelle ?

Tes : Ce message est personnalisé, s’adresse à quelqu’un, le somme d’une tâche, le tutoie brutalement. Est-ce un tutoiement hautain ou fraternel ?

Toi y en a niquer tes mégots sinon je lance mes chiens !

Allez mon frère, laisse pas tes mégots traîner comme ça, ça pue et c’est dégueulasse !

L’apothéose de cet extravagance scripturaire et ce fameux mégot.

Un déchet, un dégât collatéral de l’intoxication tabagique…

Comment peut-il trôner désormais dans cette sage cage d’escalier, d’habitude vierge de tout graffiti ?

Je rêve de rencontrer l’auteur de ce tag, et je ne suis pas sûr d’apprendre qu’il était saoul ou drogué : l’écriture est nette et ne tremble pas.

J’ai conscience qu’il existe d’autres questions plus importantes à propos de la nature humaine.

Mais je touche une impuissance existentielle : je ne sais pas dans  quel monde nous vivons si un être humain peut en apostropher un autre en bombant à la peinture sur le mur de ma cage d’escalier :

#niktesmegots

Christophe Marx

Septembre 2018

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